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Chroniques d'Hassan Cheyeb
11 janvier 2017

L'effet de l'habitude

L'effet de l'habitude exerce une grande influence sur les œuvres musicales elles-mêmes. Du moment où certaines formes 32 mélodiques séduisent le public, les compositeurs s'en emparent avec empressement. Une mélodie plaît-elle, il faut la répéter, soit avec un second couplet, soit sans changement de paroles, d'abord parce qu'elle plaît, ensuite parce qu'un trop fréquent changement de motifs fatiguerait l'attention de l'auditeur et le dérouterait; il aime mieux savourer un plat et y revenir, avant de s'en faire servir un nouveau. Il aime aussi sentir bien la fin et les principales divisions d'un motif, afin de relâcher un peu son attention pendant les phrases secondaires ou formant remplissage. Certaines formules ou cadences mélodiques ou harmoniques sont fort utiles à cet effet; plus elles sont marquées, mieux elles remplissent leur destination. Les récitatifs aussi sont aptes à laisser reposer l'esprit; les ritournelles sont excellentes pour annoncer un air nouveau et le recommander à l'attention des auditeurs. Que les formes conventionnelles s'accordent ou non avec l'action dramatique; qu'elles l'arrêtent ou 33 la contrecarrent, cela importe peu; elles sont nécessaires pour faciliter au public l'intelligence de la musique. Elles font très bien aussi l'affaire des compositeurs; passez-moi le mot: elles constituent un excellent oreiller de paresse, une ressource commode et lucrative. Rien n'est plus facile que d'arranger une mélodie d'après ces formes conventionnelles et d'y ajouter le remplissage nécessaire. L'habitude et la convention ne s'étendent pas seulement à la mélodie et à la coupe des morceaux, mais aussi à l'harmonie et même à l'instrumentation. Quand les œuvres de Rossini commencèrent à se répandre en France, n'appelait-on pas l'auteur: Il Signor Vacarmini? Cela n'a pas empêché les compositeurs de lui emprunter ses formes mélodiques, son crescendo et sa cadence harmonique favorite, quoiqu'elle ne fût pas de son invention. Et quand parurent les opéras de Meyerbeer, les partisans de Rossini n'ont-ils pas traité sa musique comme 34 pauvre de mélodie, lourde et trop bruyante? Et Berlioz? et R. Wagner? Ces méprises se commettent d'autant plus facilement que beaucoup de gens ont l'habitude de ne s'occuper au théâtre que de la musique. Ne comprenant pas souvent les paroles chantées, ils prennent le parti de n'en tenir à peu près aucun compte; les compositeurs prennent la même voie et la trouvent fort commode. Il y a même des personnes qui en font autant pour la pièce d'un opéra. Combien de fois ne m'est-il pas arrivé de critiquer non seulement les paroles en détail, mais le texte d'un opéra dans son ensemble: «Que m'importe la pièce?» me répondait-on; «j'écoute la musique.» Assurément le succès de la Flûte enchantée à l'Opéra-Comique est dû uniquement à la musique de Mozart, pourvu qu'elle soit exécutée convenablement. La pièce allemande, quoi qu'on en puisse dire, a du moins un caractère et une raison d'être; l'arrangement, ou plutôt le dérangement 35 français, n'a d'autre raison d'être que la musique de Mozart, l'action est absolument inepte. Les personnes mêmes qui, à l'Opéra, applaudissent Don Juan, ou plutôt certains morceaux de l'œuvre, ne se doutent pas de l'importance du texte italien sur lequel la musique a été écrite.

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